Faire appel à un prestataire allemand : les obligations administratives

Vous souhaitez faire appel à une entreprise ou un artisan installé en l’Allemagne pour réaliser vos travaux ? En dépit de la proximité avec nos voisins d'outre-Rhin, c’est pourtant, en pratique, compliqué. 

Des démarches administratives trop lourdes

Déclarations préalables chronophages en ligne, traduction de documents en français, obligation de désigner un représentant en France : la réglementation française encadrant le détachement de salariés en France décourage les prestataires étrangers de proposer leurs services.

Si l’employeur ne respecte pas ces obligations administratives, une amende de plusieurs milliers d’euros par salarié peut être prononcée et la prestation suspendue.

La réglementation allemande n'est pas simple non plus pour les entreprises et artisans français qui souhaitent intervenir en Allemagne. Mais de fait, la demande des consommateurs est moins forte en ce sens.

Si vous souhaitez faire des travaux chez vous avec un prestataire allemand : Faire appel à des artisans allemands.

Bon à savoir : La Chambre de Commerce et d'Industrie de Fribourg (IHK Südlicher Oberrhein) a mené une enquête du 15 février au 25 mars 2022 auprès des entreprises allemandes de la région frontalière. Sur les 260 entreprises ayant participé à l’enquête, 30% d’entre elles ont déclaré avoir réduit leurs activités côté français, 10% ayant même cessé toutes activités en France

Des chiffres qui font écho aux résultats d’une enquête menée par le Centre Européen de la Consommation, publiés en fin d’année 2020. Le CEC avait lancé un sondage en ligne auprès des consommateurs de la région Grand Est qui ont sollicité, ou tenté de solliciter, les services d'une entreprise ou d'un artisan installé en Allemagne. Pour 61% des participants, l’entreprise ou l’artisan allemand avait refusé de franchir la frontière. Dans près de 95% des cas de refus, la raison invoquée par le prestataire était la lourdeur des démarches administratives

Un marché transfrontalier paralysé

Que ce soit du côté des consommateurs comme du côté des entreprises, le diagnostic est donc le même :

  • le marché transfrontalier des prestations de services est paralysé
  • Le consommateur fait face à une baisse significative de l’offre, notamment dans le secteur de l’artisanat.
  • La région frontalière franco-allemande est particulièrement touchée, le Grand Est étant la région française qui accueille le plus de travailleurs détachés européens.

Présentée au mois d’avril 2018, une étude d’impact révélait que la réglementation française était justifiée en vue de lutter contre la concurrence déloyale et le dumping social, mais qu’elle pesait négativement sur les activités commerciales des entrepreneurs étrangers qui cherchent en toute bonne foi à proposer leurs prestations en France.

Le législateur a donc voulu adapter la réglementation aux réalités économiques, tout en permettant un contrôle effectif par les autorités françaises.

La réaction du législateur... encore attendue

La loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » adoptée en août 2018 devait permettre de changer cette situation. Mais à ce stade, la nouvelle réglementation n’apporte pas de réponse satisfaisante.

La législation prévoit notamment que :

  • Certaines entreprises qui effectuent un détachement de courte durée ou pour événement ponctuel peuvent être dispensées de déclarer préalablement le détachement, de désigner un représentant en France, ou encore de traduire en français les documents obligatoires. L’arrêté du 4 juin 2019 est venu préciser les secteurs d’activité concernés : il s’agit essentiellement des artistes, des sportifs et des apprentis en mobilité temporaire.

Exemple

Vous souhaitez faire appel à un électricien allemand pour qu’il intervienne à votre domicile. L’intervention est censée durer deux heures. N’exerçant pas dans l’un des secteurs d’activités concernés par les aménagements réglementaires, l’entreprise allemande devra faire des démarches administratives (déclaration préalable en ligne, nomination d’un représentant en France, traduction en langue française de certains documents comme le contrat de travail du salarié, etc.). Il est fort possible que l’artisan allemand contacté ne donne pas suite à votre demande.

  • Les autorités de contrôle régionales DIRECCTE auront une marge de manœuvre et pourront ajuster, sur la base d’un examen du dossier de l’entreprise concernée, le degré d’exigences et de formalités administratives à remplir.

Exemple

Une entreprise allemande de peinture en bâtiment, effectuant régulièrement des chantiers en France en respectant la réglementation, ne serait pas obligée de traduire intégralement tous les documents relatifs aux salariés détachés (contrat de travail, bulletin de salaire …) si la DIRRECTE ne l’estime pas nécessaire.

Pour le moment, cette possibilité ne s’applique pas encore. Un décret devra venir préciser les contours de cette nouvelle réglementation, notamment le périmètre géographique, les conditions d’éligibilité pour les entreprises, ainsi que la nature exacte des allègements envisagés. Dans le cadre d’une conférence organisée à Sarrebruck au mois d’octobre 2019, le Ministère du Travail français avait annoncé ce nouveau décret pour le début d’année 2020. A ce jour, ce décret n'a toujours pas été publié.

  • Les détachements réalisés "en autoprestation", c'est-à-dire directement pour le compte de l'employeur, ne nécessitent plus de déclaration préalable de détachement, ni la désignation d’un représentant. Cette dérogation existe depuis septembre 2018.

Exemple

Une entreprise allemande détache des salariés sur une foire en France. Dans ce cas elle n’est pas soumise à toutes les obligations de déclaration. Par contre, si les salariés détachés effectuent des prestations de service (vente de produits sur la foire par exemple), on bascule sur un détachement de courte durée ou évènement ponctuel.

Le CEC se mobilise avec ses partenaires

Dans le contexte actuel de crise économique, la nécessité de la reprise économique entre l’Allemagne et la France se fait d’autant plus impérative.

Le Centre Européen de la Consommation (CEC) suivra attentivement les prochaines étapes législatives et notamment le décret en Conseil d’État censé simplifier les démarches des entreprises détachant de manière récurrente des salariés en France.

Il continuera de collaborer étroitement avec les acteurs concernés de la région, notamment la IHK Südlicher Oberrhein (CCI de Fribourg) et la DREETS (Direction Régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) Grand Est. 

Le CEC avait interpellé dès 2019 les élus de la région sur l’impact négatif de cette réglementation dans la région frontalière franco-allemande, avec pour objectif de trouver des solutions spécifiques dans la lignée du traité d’Aix-la-Chapelle. Il avait notamment présenté ce problème devant le Bureau du Conseil Rhénan, le 25 octobre 2019.